Gestion des relations presse au sein d’un congrès scientifique de 30 000 participants

Gestion des relations presse pour une société savante

Au cours de ma carrière précédente en tant que salariée, j’ai occupé la fonction de responsable du pôle presse pendant 6 ans.

Cette évolution professionnelle a découlé d’une promotion interne suite à mes 8 années d’expérience en tant que chargée de communication externe/news editor au sein de la même structure.

Cette période a été une immersion intense dans le monde exigeant des médias, que j’ai traversée en observant avec attention ma talentueuse collègue, Camilla Dormer (qui a connu une carrière remarquable), tout en collaborant étroitement au sein du même comité de presse – avant le grand plongeon en tant que responsable du pôle presse huit ans plus tard. 

Je vous livre quelques conseils et anecdotes.

la zone presse de la societe europeenne de cardiologie pendant un congres a barcelone en 2014
La zone presse pendant un congrès de l’ESC, construite de A à Z pour une durée de 5 jours. A gauche, Michael O’Riordan, à droite, John Mandrola.

Gestion des relations presse avant et pendant le congrès

  • Comment s’articulaient les relations presse avant et pendant le congrès de l’ESC qui attirait à cette époque seulement 28K participants dont 600-700 journalistes du monde entier ? 
  • A ce jour, la Société Européenne de Cardiologie (ESC) organise toujours un congrès de cardiologie destiné à 35 000 participants, se positionnant comme la date la plus attendue de l’année par les professionnels de la santé dans ce domaine précis.
  • L’ESC organise d’autres congrès s’adressant à des sous-thématiques encore plus pointues (insuffisance cardiaque, échocardiographie, fibrillation auriculaire et troubles du rythme cardiaque etc.). Ils sont plus niches et attirent moins de participants mais participent à la réputation globale de cette société.
  • Le congrès auquel je me réfère est néanmoins l’évènement-phare de l’année, qui a fait la réputation de l’ESC depuis sa création en 1988.
  • Organisé à l’origine par une poignée de cardiologues bénévoles sur un coin de bureau, au fil de l’eau et suite à l’ouverture de son pôle administratif à Sophia Antipolis, ce congrès a pris une telle ampleur qu’il est devenu le plus gros congrès de cardiologie au monde, dépassant depuis des années ses concurrents US qui dominaient lorsque j’avais rejoint l’aventure en 1999.

Gestion des relations presse à Munich en 2012

  • Cette courte étude de la gestion des relations presse porte sur le congrès 2012 ayant eu lieu à Munich en Allemagne

Objectifs-clé

  • Les principales découvertes ont été résumées dans ce communiqué qui a été diffusé par le bureau de presse à la clôture de l’évènement.
  • L’objectif était d’attirer les principaux médias (jusqu’à 700 sur place, sans compter les milliers de followers en ligne) afin de maintenir et améliorer la notoriété du congrès mais également la marque ESC.
couverture mediatique obtenue a londres en 2015.
Live tweeting des Key Opinion Leaders sur site ravis de voir leur étude en 1ère page des tabloids (Londres, 2015).

Sous-objectifs

  • Les sous-objectifs étaient de :
    • Générer une couverture mondiale (médicale, grand public, économique, financière et spécialisée) pour les messages scientifiques, de prévention et institutionnels de l’ESC.
    • Organiser des conférences de presse et remplir les salles, promouvoir les leaders d’opinion et garder le titre de référence ultime en cardiologie.
    • Choisir des sujets dignes d’intérêt émanant du programme scientifique du congrès, adaptés à différents médias.
    • Rédiger des communiqués de presse ciblant certaines études plus susceptibles d’éveiller l’intérêt de la presse, sélectionner et former les meilleurs porte-paroles pour commenter les études présentées, et fournir une assistance sur place pour aider les journalistes dans leur travail.

Etapes à franchir

  • Pour atteindre ces sous-objectifs, voici une liste d’étapes qu’il fallait franchir :
    • Sélection des médias basée sur le programme scientifique. Nous étions assistés par une équipe de cardiologues bénévoles et de rédacteurs médicaux freelance (constituant le comité de presse).
    • Création d’alertes médias de type « Save the date » et invitations envoyées aux médias
    • Accréditation après un check rigoureux des cartes de presse et autres preuves tangibles et vérifiables afin de filtrer les indésirables.
    • Coordination d’un dossier de presse contenant tous les communiqués de presse, biographies et point de contact des porte-paroles, photos, fiches d’information, documents de fond destinés à faciliter le travail en amont du journaliste.
communique de presse de 2010 toujours en ligne portant le nom de la responsable presse de l'epoque, celine colas, a present independante
Un communiqué de presse de 2010 toujours en ligne
  • Coordination de 12 conférences de presse (4-5 intervenants, 2 modérateurs, 2 portes-parole par conférence de presse).
    • Logistique pour la zone permettant aux journalistes de travailler sur place. Celle-ci était prévue pour 700 journalistes (informatique, audiovisuel, installation, signalétique et image de marque, hôtesses, restauration, etc.).

Chaque détail comptait. Il ne fallait pas oublier la « cream » d’une des journalistes US qui ne buvait pas son café noir, sinon on frôlait le drame. L’autre point de douleur était souvent le wifi, parfois fluctuant malgré l’acharnement du service IT à le rendre aussi rapide qu’au bureau. Ce point de détail était incroyablement important pour permettre aux médias les plus performants de publier leur papier avant la concurrence.

    • Gestion de crise sur place si besoin. Cela est arrivé quelques fois mais ma pudeur m’empêche de vous raconter le best of. Peut être que je m’y mettrai dans quelque temps, sans mentionner les vrais noms pour préserver l’intimité des personnages frauduleux partis vendre des T-shirts aux Bahamas.
    • Suivi post-congrès ce qui comprenait surtout les demandes de journalistes (y compris ceux qui avait tout raté sur place, mais voulaient une part du gâteau) et monitoring des retombées pendant plusieurs mois. 

Retombées médiatiques exceptionnelles

Le résultat direct de ce travail intense (mars à fin août) était une couverture médiatique exceptionnelle à l’échelle internationale et locale.
gestion des relations presse au congres de l'esc. ici une journaliste asiatique interviewe un porte-parole europeen pour avoir son point de vue
Une journaliste devant le branding de son média interviewe un porte-parole de l’ESC
  • Ces articles constituaient une référence de taille pour toute personne cherchant à vérifier la légitimité ou notoriété de l’évènement.
  • Tout comme le référencement naturel, l’avantage des articles en ligne est qu’ils restent en ligne – ce qui permet d’avoir une publicité « gratuite » à l’année.
  • Nous avons d’ailleurs souvent essayé d’expliquer ce principe de « publicity value » à des personnes qui trouvaient que notre budget presse était trop élevé.
  • Tout comme le SEO 🙂 – c’est un investissement sur du long-terme avec des résultats qui ne sont pas éphémères comme l’est la publicité.
  • Car, in fine, les retombées médiatiques ont un impact, une aura, un pouvoir de persuasion bien plus positifs et longue-durée que n’importe quelle forme de pub en ligne ou de pub tout court.

Retombées médiatiques mondiales

    • Presse médicale spécialisée (theheart.org, MedPage Today, Medical News Today, TCTMD, etc.)
    • Presse grand public (Daily Telegraph, BBC, Le Figaro, Huffington Post, Los Angeles Times, Examiner, Associated Press, ABC News, Time, Le Point, etc.)
    • Presse économique et financière (Reuters, Bloomberg, Business Week, Forbes, etc.)
    • Presse locale (Süddeutsche Zeitung, Münchner Merkur, Tageszeitung, Abendzeitung, Augsburger Allgemeine, Bunte, stations de télévision et de radio, etc.)

Pourquoi tout miser sur ce congrès en tant que média ? 

  • En tant que ex Marcom devenue responsable médias, j’ai toujours trouvé incroyable que le bureau presse de l’ESC réussisse à attirer jusqu’à 650-700 journalistes chaque année. Pourquoi un tel engouement pour un sujet aussi niche? 
  • J’imaginais les discussions tendues entre journalistes et éditeurs aux USA ou en Asie pour obtenir un budget pour passer cinq jours sur place en Europe.
  • Les plus petits médias devaient batailler sans relâche car il fallait compter le coût et temps alloué au voyage.
  • En effet, les médias se déplaçaient chaque année dans toutes les capitales Européennes choisies par l’ESC. Le coût de la vie n’était pas le même à Barcelone ou Stockholm.
  • Pourquoi cet investissement? Parce qu’ils savaient qu’ils auraient assez de matière pour créer des articles lus pendant des mois grâce à la solide réputation de cette société savante.
  • Réputation, qui elle même avait été obtenue – en partie – par les médias présents les années précédentes qui couvraient le sujet en long et en large, donnant ainsi un maximum de crédibilité à l’association. La boucle était donc bouclée.

Il n’y pas que les Grammy Awards dans la vie!

  • Leur présence était offerte (pas de frais d’inscriptions, impressions et café et lunch à volonté !) en revanche ils devaient payer leur propre voyage et fournir des preuves de leur légitimité.
  • Sur place, ils essayaient de participer à un maximum des 12 conférences de presse et utilisaient également tous les communiqués de presse qui couvraient d’autres études hors conférence. Environ 70 quand même !
  • Ils faisaient aussi leur propre shopping dans le programme scientifique, toujours à l’affût de LA découverte scientifique qui allait tout chambouler.

D’ailleurs lors de mon tout premier congrès en 2001, le service presse avait totalement loupé le coche en ne couvrant pas le sujet des « drug-eluting stents » qui allaient pourtant révolutionner la cardiologie telle que nous la connaissons aujourd’hui. C’est toujours plus amusant avec du recul (petite précision, j’étais encore à la comm externe où j’ai fait pas mal de boulettes également, je vous rassure…)

  • Notre travail le plus crucial sur place était de leur fournir des porte-paroles indépendants (non liés à l’étude présentée) afin de leur permettre de pouvoir équilibrer leur article à travers différents commentaires/angles.
interview filme dans la salle de presse d'un porte parole independant et leader d'opinion par un media americain
Interview filmé dans la salle de presse. Un porte-parole indépendant et leader d’opinion donne son point de vue sur une étude à un média Americain spécialisé dans le médical.
  • En tant que « press staff », il était extrêmement gratifiant d’arriver à convaincre les porte-paroles au titre ronflant de Key Opinion Leaders (qui étaient très pris par ailleurs au congrès) d’être interviewés.
  • Les jeunes cardiologues inconnus étaient faciles à persuader (« you will know fame thanks to this article! ») mais les super-experts mondialement connus n’avaient plus besoin de gros titres de presse pour exister ou briller, donc les convaincre n’était pas simple.

Les journalistes les appelaient « les rocks stars » en off.

  • La récompense ultime et le « icing on the cake » était bien sûr de pouvoir ensuite lire les citations dans les articles de presse et avoir ce sentiment de travail accompli.
  • Cette petite fierté personnelle de se dire qu’on avait contribué à cette citation qui serait lue par des milliers voire des millions de paires d’yeux. Le moment mytho !
  • En fait, ce poste de relations presse est typiquement un travail de l’ombre. Votre action est essentielle mais c’est la parole de la rock star et la plume du journaliste qui seront retenus – ainsi que le scoop, si le journaliste arrive à publier avant les autres et avoir la primeur de l’info.
  • Néanmoins, certains journalistes, même de renom, ont su montrer leur appréciation.
  • Deux exemples qui m’ont tellement touchés que je les partage dans cet article aujourd’hui.

Un tweet mémorable et un message d’Associated Press

I do everything I can to make their life miserable…

Rare to find a communications officer like Celine

  • Voici le message de Maria Cheng, rédactrice médicale, Associated Press (l’équivalent de notre AFP) qui m’a d’ailleurs aidée à obtenir le rôle de responsable.
  • Au départ je m’occupais de la communication externe à l’année, et prêtais main forte au service presse en tant que coordinatrice des portes-parole pendant les congrès.
  • J’aidais aussi le reste de l’année entre deux recrutements. J’ai obtenu ce rôle en apprenant la gestion des relations presse entièrement sur le terrain.
Very hectic – c’est le mot !

« Despite the very hectic ESC conferences, Celine always made sure to respond to my (and other journalist) queries as quickly as possible, lining up various spokespeople on a variety of topics and making sure I had all the expert comment I needed.

For papers scheduled for release, she would often have spokespeople ready to comment before I or other journalists had even made the request, ensuring we would get ESC comment into our stories.

Having attended numerous medical meetings, it is rare to find a communications officer like Celine who can prioritize requests and respond quickly and efficiently to journalist demands, especially during a meeting where there are hundreds of journalists and competing queries. (…)

Beyond ESC conferences, I have also found Celine to be very responsive to my queries by email on other cardiology stories, and she has been very helpful in tracking down authoritative sources for me to interview.

She has always been able to find me someone to speak to me before my deadline, ensuring that I could include ESC spokespeople in my articles (…)

Et, oui, les deadlines, on connaît et on comprend quand on travaille dans l’urgence en permanence.

Lisez les recommandations de toutes les personnes qui ont croisé mon chemin et ont apprécié notre collaboration.

Quand est-ce que je me mets à jouer les Shiva pour vous ? Jetez un oeil à mon portfolio et à ma palette de compétences en comm & web!

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